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The Quitter, Le Dégonflé

The Quitter, Le Dégonflé : 3 Avis

Pour celles et ceux que seuls les héros avec des superpouvoirs intéressent, vous pouvez passer votre chemin. Si vous ne jurez que par les histoires d'horreur, allez lire une autre chronique. Si vous vous attendez à de la science-fiction, changez de crémerie. En ce qui concerne les enquêtes policières, si vous pensez qu'il en est question dans The Quitter, allez lire le résumé.
Ici, ce qu'on a c'est la vie, la vraie, d'une personne assez ordinaire. Enfin, pas si ordinaire que ça, mais j'y reviendrai. Dans cette autobiographie sans concession, Harvey Pekar raconte sa recherche perpétuelle et maladive de reconnaissance. Malheureusement pour lui, celle-ci est contrariée par son principal défaut, sa tendance à se laisser aller et à abandonner ce qu'il entreprend. Il est obsédé par l'échec et préfère éviter les difficultés au lieu de les affronter.
Pekar est le fils d'immigrés juifs polonais qui n'ont pas changé leur mode de vie, qui ne correspond pas du tout au modèle américain que lui recherche. Alors que ses parents lui montrent un exemple d'acharnement à la tâche et d'efforts fournis pour soi, lui est attiré par la réussite pour la réussite.

The QuitterThe Quitter permet de voir l'évolution d'Harvey Pekar, du jeune bagarreur cherchant à se faire remarquer par sa force à l'auteur de comics et d'articles sur le jazz voulant être reconnu pour son intellect. D'une façon de se conduire visant à la reconnaissance à court terme et pour laquelle il n'avait pas vraiment de goût à une reconnaissance plus durable en exerçant une activité pour laquelle il se passionne. Ce bouquin est pour tous ceux qui, un jour, ont dû renoncer à quelque chose, les "perdants", et par ce terme j'entends les personnes ayant échoué à un moment ou un autre de leur vie. Ceux qui ont toujours tout réussi se sentiront peut-être moins concernés par le propos de l'auteur. Il montre qu'on peut quand même arriver quelque part et qu'on a pas forcément raté sa vie en ratant des choses, beaucoup de choses dans le cas de l'auteur. C'est d'ailleurs en ce sens que l'auteur n'est pas ordinaire. Son sentiment d'insécurité et la peur maladive de l'échec en plus de le conduire à l'abandon à la première difficulté l'ont même parfois poussé à ne pas entreprendre certaines choses. Même aujourd'hui sa peur du regard des autres ne le quitte pas et c'est ce qu'il raconte dans sa série American Splendor.
The QuitterThe Quitter permet de comprendre le cheminement d'un jeune dégonflé attendant tout de la vie à cet adulte dépeint plus en détail dans American Splendor, celui pour lequel faire un effort dans la vie quotidienne prend l'aspect d'une aventure, tellement maintenant il donne l'impression de se battre contre la vie.
Ce comic est un témoignage de la difficulté d'adaptation d'un fils d'immigré voulant briller au regard de la patrie dans laquelle il est né alors que ses parents ne cherchant pas à s'intégrer ont conservés leurs traditions et vivent entourés de personnes issues de la même communauté. Alors qu'il aurait besoin d'un peu de soutien, la culture de ses parents les poussent plutôt à donner dans l'autodénigrement, le privant des compliments dont il a douloureusement besoin. En plus de ne pas lui apporter leur soutien, ils lui font honte avec leur mauvaise maîtrise de la langue et leurs idées de gauche. L'incompréhension est ce qui caractérise le mieux leurs rapports. Entre l'enfant qui cherche à s'intégrer en se faisant remarquer, à coups de poings si nécessaire, et en évitant toute activité l'éloignant de ce but à court terme, et les parents qui n'ont pas l'air de se rendre compte qu'ils vivent dans un ghetto, l'entente est loin d'être cordiale. La rupture nécessaire, si elle ne sera pas suffisante à inculquer à l'auteur, la nécessité de faire des concessions, lui fera au moins prendre conscience que le recours à la violence n'est pas la bonne réponse quand la situation lui échappe. Mûrir encore et construire sa vie lui donneront encore d'autres désillusions.

The Quitter a le mérite de montrer l'Amérique sous un jour peu courant, celui des "perdants". Etre né aux USA ne suffit pas à réussir tout ce qu'on entreprend. Dans cette nation qui est souvent caractérisée par la réussite, il est possible de se planter et il ne suffit pas de vouloir pour pouvoir. Même si le bouquin, par son manque d'humour m'a beaucoup moins plu qu'American Splendor, il m'a permis de mieux cerner les obsessions de l'auteur. A mon sens, sans être un indispensable, The Quitter vaut le détour pour son point de vue unique sur le pays dans lequel l'auteur est né.


Note : 14.

Shikata ga nai

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