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Lost People : Providence : 01 - Une journée ordinaire (21h)

Le connard cracha du sang sur la seule chemise propre que j'aie jamais eue de ma vie. Il regretta amèrement son geste quand je lui fis sauter deux dents. Pendant quelques minutes, il nous épargna ses jérémiades du style "je vous paierai...", "Pitié...", "Laissez-moi partir, je dirai rien à la police." Pour sûr, mec. Faut jamais tenter de doubler le Don. Après on s'étonne de recevoir la visite de gens comme nous: Moi (alias Vito, expert en tabassage de luxe), Marvin (gorille dans tous les sens du terme), et Luiggi (un "as" de la gâchette).

Pendant ces quelques minutes, Luiggi fuma une de ses Morley puantes. L'air était plein de poussière, ce qui rendait le boulot désagréable, sauf pour Luiggi, qui fumait sa clope près de l'unique semblant de fenêtre de la pièce. Marvin lisait un de ses magazines porno avec application, totalement indifférent aux grognements du pauvre type. Et moi, j'étais celui qui avait été désigné pour tabasser le client du jour : le gars était accroché par les mains à une poutre du grenier (il se serait étalé par terre sans cette "précaution"). Il avait la gueule toute enflée, la lèvre inférieure et l'arcade sourcilière gauche totalement éclatées, et il pissait le sang. Ca faisait une bonne demi-heure que je lui cognais savamment sur la gueule et je commençais à être totalement crevé.

"Je prends une pause, les mecs, soufflais-je, autant pour Luiggi et Marvin, que pour le client.
- Tu fais ce que tu veux, gamin. On n'est pas payés à l'heure, me répondit Luiggi. (il m'énervait profondément quand il se la jouait petit chef comme ça.)
- J'espère bien.
- Quand est-ce qu'on lui règle son compte?
- Bientôt, Marvin... Bientôt.
- C'est quand bientôt ?!!! Ca fait presque une heure qu'on lui tape sur la gueule. Il ressemble déjà plus à grand chose. On l'achève et on se barre. Simple comme ça !
- Simple comme ça ? Tu te crois où, Marvin ? On est à la City. Le Don nous a fait dire de tabasser ce gusse pendant une heure avant de le dessouder, pas moins, alors arrête d'essayer de finasser. Il nous reste une demi-heure à passer dans ce grenier de merde. Après on doit se bouger voir son bureau. Je dois te rappeler que c'est des grenades que ce connard a taxées ??!!!! Si tu t'ennuies à ce point, va donc remplacer notre petite ballerine si fragile...
- Va te faire voir, Luiggi.
- Mademoiselle a quelque chose à dire ?
- Connard...."

Au moins, j'avais plus à cogner ce type. Je pris une cigarette dans mon paquet ramolli par la sueur et l'allumais péniblement. Sensation de morsure dans la gorge. Cette angine qui veut pas passer... La fumée âcre me donna soif. J'attrapais la bouteille de Bourbon frelaté que j'avais achetée à l'épicier du coin et en pris une bonne rasade quand Marvin commença à taper. Chaque coup faisait un bruit mat, spongieux. Écoeurant à mourir au bout de quelques minutes.
Je me mis à la fenêtre dans l'espoir d'avoir moins chaud. Peine perdue : il faisait au moins aussi lourd dans la rue que dans ce foutu grenier. Le type recommença à gueuler. Marvin poussait un grognement à chaque coup qu'il filait au client.
Je jetais ma clope par la fenêtre en visant un passant.

Raté.

(scape)GO@T

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