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Interviews : Interview Arnaud Plumeri pour Doki-Doki

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Interview réalisée lors de Japan Expo 2007, le samedi 7 juillet 2007 (lire le compte-rendu).

Arnaud Plumeri, responsable communication chez Doki-Doki, a accepté de jouer les cobayes pour ma première interview. Encore merci ^^.

yadana, pour TSD : Pouvez-vous nous présenter rapidement votre maison d'édition ?

Arnaud : Doki-Doki est la branche manga de Bamboo Edition, qui est le 6e éditeur de BD franco-belge en France. En avril 2006, on a lancé la collection manga Doki-Doki. Pour anticiper la question "Pourquoi si tard ?"...

KamunagaraJe n'avais pas prévu de le demander...

C'est parce qu'on nous le demande souvent. C'est tout simplement parce que c'est quelque chose qui nous trottait dans la tête depuis un moment et on ne voulait pas se lancer n'importe comment, on voulait être bien prêts, s'entourer des bonnes personnes. On a vraiment attendu d'avoir une équipe assez complète pour pouvoir faire un travail de qualité, parce qu'on ne souhaitait pas lancer des titres sans y apporter le plus grand soin, que ce soit au niveau des choix éditoriaux ou de la qualité de fabrication et de traduction.

Combien de personnes travaillent pour Doki-Doki ?

C'est assez dur à dire parce que, par exemple, si je ne prends que les locaux de Bamboo, on doit être une quinzaine de personnes. Ces personnes travaillent aussi bien pour la partie franco-belge que la partie manga. Le travail est réparti. Et à côté de ça, on a aussi pas mal d'intervenants externes, par exemple, un chef de fabrication pour l'impression, un directeur de collection, des traducteurs... À mon avis, si on regroupe tout le monde, ça doit faire une trentaine de personnes. Ca évolue sans cesse.

Est-ce que ça vous apporte quelque chose justement de faire un mix entre la partie staff franco-belge et la partie manga, vu que chaque personne fait un peu des deux ?

C'est intéressant, parce que, même si le manga et la BD franco-belge ont des fonctionnements différents, ils ont des points communs. Par exemple, pour promouvoir un titre en librairie, il faut savoir parler au libraire. Que ce soit pour un manga ou une BD franco-belge, c'est à peu près le même fonctionnement. Il faut trouver les bons arguments qui font qu'il va bien mettre le titre en place.

C

Shiori et Shimiko

Le cortège des cent démons
Quelle est votre politique éditoriale ?

En fait, dès le début, ça paraît bête à dire, nous avons mis un point d'honneur à lire tout ce qu'on sort. Comme notre directeur de collection est à Tokyo et est aussi un traducteur émérite, il y a déjà une première sélection. Tout est lu pour s'assurer que l'histoire ne va pas s'effondrer au bout de deux ou trois volumes, ce qui peut arriver. Un deuxième écrémage est fait en interne, j'ai aussi mon mot à dire. Il y a aussi une partie non négligeable qui est financière : les droits, combien l'éditeur va nous demander, combien va nous coûter la fabrication.
Au niveau purement éditorial, notre but est de coller à la signification du terme « Doki-Doki », signifiant le coeur qui palpite, en partageant nos coups de coeur pour certains titres. Les petits éditeurs nippons offrent souvent à leurs auteurs des manières de travailler plus souples que les gros éditeurs, ce qui permet d'avoir une qualité et une originalité qu'on ne retrouve pas forcément chez les gros.
On a grosso-modo trois axes. Un axe shônen et seinen, voire entre les deux avec des titres comme Kamunagara. Otogi Matsuri, par exemple, est un shônen mais les filles peuvent aimer. On a aussi des titres comme C, où là ce sont des cycles courts, des one-shots ou des séries en deux ou trois albums. D'ailleurs, il semble que ça ait plu puisqu'on a reçu hier le prix du jury du meilleur shônen pour C.
À côté de ça, on a, on va dire, une partie un peu plus "intello", ou un peu plus féminine. C'est Le cortège des cent démons, Shiori & Shimiko. Ca s'adresse à des gens qui cherchent des titres un peu plus décalés, voire alternatifs. Shiori & Shimiko c'est un mélange d'horreur et d'humour. L'auteur est quelqu'un de très respecté au Japon mais est très peu connu en France. Et la troisième branche, ce sont des manga comme Aya, conseillère culinaire, qui sont aussi susceptibles de plaire à un public amateur de bande dessinée européenne. C'est un graphisme, des histoires, une narration faciles d'accès qui peuvent plaire par exemple aux férus de gastronomie japonaise et aux gens qui apprécient notamment les histoires à la Taniguchi.

Votre expérience en BD franco-belge vous aide pour cette catégorie.

Oui. Bamboo a des séries humour thématiques. Donc quand on a des manga thématiques, comme la cuisine japonaise, on a déjà une certaine expérience, avec nos équipes commerciale et marketing, pour trouver des partenariats et en parler aux libraires.

Quel est, selon vous, votre point fort ?

Notre point fort, à mon avis, c'est le fait d'avoir quelqu'un sur place qui lit les titres, qui maîtrise couramment le japonais et qui est lui-même traducteur de formation. C'est déjà un bon départ pour proposer des titres éditorialement intéressants et qui seront bien traduits. Ensuite, on n'est pas éditeur de manga indépendant puisque l'on a Bamboo Édition derrière nous. Et donc, si l'on fait un bide, ça ne va pas mettre en péril Doki-Doki. Ça donne quand même une certaine assise à ce niveau-là.

Je ne vous souhaite pas d'avoir des soucis avec une série...

Enfin, ça peut arriver, on n'est jamais à l'abri. On a pris le parti, cette année et l'année prochaine, de rester à 4 ou 5 titres par mois. On souhaite vraiment travailler l'aspect qualité. Et on espère que par la communication, le bouche-à-oreille, il y ait une sorte de label Doki-Doki, que les gens se disent « J'ai aimé tel titre, donc je peux faire confiance à celui-là, à mon avis je serai pas déçu. ». De plus en plus de lecteurs nous font plaisir avec ce genre de témoignage.

 Full Ahead ! CocoEst-ce que vous avez déjà quelques annonces de licences à faire pour l'année prochaine ?

C'est un peu délicat. Nous ne sommes pas dans la position de dire « Voilà, dans 6 mois, on sort Death Note. ». Beaucoup de gens connaissaient déjà Death Note, attendaient ce titre et ça faisait parler. Nous, on a de très bons titres à sortir, mais si je dis le titre, ça ne va rien vous évoquer. Je préfère convaincre en montrant des extraits plutôt que d'en faire un descriptif à l'emporte-pièce. Sinon les lecteurs vont s'embarquer dans des recherches fastidieuses sur des sites japonais et ils ne vont pas trop savoir de quoi ça parle. Ce que je peux dire c'est qu'en octobre, on sort Gear Rally un autre titre d'Osada Yûkô, l'auteur de C. C'est un one-shot, un recueil d'histoires courtes sur le thème des courses-poursuites. C'est vraiment de l'action à 100 à l'heure. Sinon, on continue toujours nos séries en cours, comme Aya, conseillère culinaire, Full Ahead ! Coco, qui viennent à peine de commencer, donc on en a encore pour quelques mois.

Sinon, sans citer de titre, vu que cette année on a commencé la cuisine, est-ce qu'il y a des thématiques qui vont ressortir l'année prochaine ?

On est sur le sujet effectivement. C'est quelque chose qui nous intéresse. Comme nous sommes, le directeur de collection, quelques autres personnes et moi-même, passionnés de culture japonaise, il y aura toujours dans notre collection une forte présence de la culture japonaise. Si vous prenez Le cortège des cent démons ou Otogi Matsuri, on retrouve beaucoup d'informations sur les rites et coutumes japonais. Ce sont des éléments qui ressortiront de plusieurs de nos titres.

 Reiko the Zombie ShopOn parlait justement du folklore et de la culture japonaise. Vous publiez de nombreuses séries d'horreur, comme Shiori & Shimiko, et en rapport avec le folklore japonais. Pensez-vous que c'est un atout pour votre maison d'édition ?

Je pense que c'est un genre qui intéresse de plus en plus de lecteurs. L'horreur qu'on publie, c'est de l'horreur avec de l'humour. Morohoshi Daijirô qui fait Shiori & Shimiko, a été encensé par Tezuka. Il est très réputé au Japon et fournit un travail qu'on voulait absolument faire connaître. D'ailleurs Jean-Pierre Dionnet a flashé sur ce manga. Il va nous écrire deux postfaces sur ce titre pour les volumes 3 et 4. Il aime bien les choses décalées, un peu gore mais conservant leur humour. On sort aussi Reiko the zombie shop qui contient beaucoup plus d'hémoglobine mais il y a toujours ce fond d'humour pour dédramatiser la situation.

Que pensez-vous du manga à la française qui fleurit en ce moment dans les rayons des librairies ?

Pour l'instant, on observe. On n'a pas prévu d'en lancer. Avec Bamboo, on a tout un pool d'auteurs qui fait de la BD d'humour ou réaliste. Donc on a déjà de quoi faire à ce niveau-là. C'est bien de voir que le manga passionne les auteurs français. Moi, je pense que ça sera peut-être davantage dans la fusion entre le style européen et le style japonais, qu'on a déjà commencé à publier dans nos BD cartonnées grand format, qu'on verra les choses les plus intéressantes.

Quelle importance accordez-vous à la communauté internet qui lit des bandes dessinées asiatiques ?

Je pense que c'est vraiment crucial parce que si vous regardez la presse papier manga, il n'y a pas un choix énorme. Pour moi qui m'occupe de la communication et qui adore le média internet, c'est vraiment intéressant de pouvoir lancer des informations quasiment en temps réel (on a une info, on la transmet au site) et d'avoir les retours des lecteurs. Difficile de connaître exactement le goût des gens quand on reste dans son bureau ! C'est pour ça que participer à un salon comme Japan Expo pour rencontrer les lecteurs, recevoir des e-mails ou les commentaires des sites de chroniques internet, c'est vraiment quelque chose d'important à mes yeux.

 Aya, conseillère culinaireDernière question. Que pensez-vous de l'image de la BD asiatique en France ?

Vaste question. C'est un fait, il y a de plus en plus de gens qui s'y intéressent. Au début, beaucoup des personnes pouvaient regarder la BD asiatique avec mépris ou incompréhension. Mais ce que je remarque, c'est qu'il y a de plus en plus de gens qui ne lisaient jamais de manga qui s'y mettent. Avec notre titre Aya, conseillère culinaire, on voit des femmes qui adorent la cuisine du monde se mettre à lire du manga. Et elles se rendent compte que les codes narratifs et graphiques ne sont pas si loin de la BD européenne. Il y aura toujours des réfractaires à ce genre, c'est sûr, mais globalement, il y a encore une énorme marge de progression au niveau du lectorat.

D'accord. Donc voilà, c'est tout. Merci beaucoup.

Merci à vous.

Yadana

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