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Lost People : Providence : 12 – Confrontation (01h20)

Marvin


Je fume tranquillement ma clope en regardant par la fenêtre. Les nuages sont tout noirs. Il va enfin pleuvoir. Ca virera sûrement l'odeur de sang qui flotte dans la pièce. Je m'écarte pour mater « l'ampleur du désastre », comme dirait Luiggi. Pfffffff, ça va être long à nettoyer toutes ces traces ! Pourquoi ce connard s'est débattu avec une balle dans le buffet aussi ? Fait chier ! C'est définitivement pas ma journée. Enfin bon, Jess vient de repartir avec le dictaphone. Et le seul truc qu'il me reste à faire, c'est de me débarrasser du corps du comptable.

Il est en train de refroidir à mes pieds. Un cadavre comme les autres. C'est marrant comme les gens se ressemblent tous une fois morts. Je tire une latte. La cendre tombe dans le sang, qui devient noirâtre autour. Je range mon flingue et sors la scie, les sacs poubelles, le détergent et les seaux. Ca, c'est la partie que j'aime le moins dans ce boulot. Scier un cadavre et aller jeter les morceaux, c'est pas précisément un truc que j'apprécie. Ca pue et c'est poisseux. Le pire, c'est quand ils sont gros. C'est plein de graisse, de quoi vous filer la gerbe au pire des caïds ! Là au moins je suis à peu près tranquille de ce côté là, le client est maigre comme un coup de trique.

Je commence à le désaper. Puis je me mets à fouiller ses poches. Pourlif (cartes de crédits dans tous les sens), paquet de cigarettes (vide), briquet (marche), beeper, clés de voiture et de chez lui (à priori), et portable... Portable ? Luiggi m'avait dit un truc à ce propos mais je sais plus ce que c'était. Je finis ma clope en me creusant la cervelle. Pourquoi j'ai la tête pas bien faite ? Je trouve enfin quand le filtre me crame les pattes : je devais couper le portable avant d'emmener le client ici ! Et merde !

« Bouge pas ! Police ! »

Lopez


Le type se retourne avec un air bovin bien stupide figé sur la gueule. Il se redresse. Une vraie armoire à glace. Il pourrait facile être poids lourd à la WBC. Ses mains, des battoirs ! Ses avant-bras, mes cuisses ! Son cou, un amas de muscles ! Je déglutis péniblement. J'ai une boule d'angoisse énorme au fond de la gorge qui m'empêche de parler. Mon arme ne m'a jamais parue aussi lourde. L'odeur métallique du sang est écoeurante. Mon coeur commence à battre dans tous les sens. Il laisse tomber le portable qu'il avait dans les mains. Ce vieux Vinny-doigts-de-fée a définitivement des machines de fou... Dans le genre du boîtier hérissé de fils qu'il a sorti quand on lui a dit qu'on cherchait à localiser un portable, et plus vite que par cette putain de voie hiérarchique. J'ai pas compris comment il a fait mais il a réussi à nous retrouver ce fameux portable. Enfin au moins on savait qu'il se trouvait dans les docks... Ce crétin a certainement pensé qu'il y serait bien tranquille. Il l'aurait été si on n'avait pas entendu son coup de feu et les beuglements du type. Enfin, le peu qu'on l'a laissé pousser avant de le tabasser pour le faire taire.

« BOUGE PAS, CONNARD !!!!!!!!!!!!!!!! (La voix de Grant me ramène d'un coup à la réalité.)
- ...... Vous êtes qui ?
- La Police, demeuré ! Tu bouges pas ! »

Il y a comme une lueur dans son regard comme s'il venait enfin de comprendre qui on est. Son regard se durcit. Pas fute-fute le garçon...

L'officier Grant s'approche lentement et calmement du monstre, qui ne nous lâche pas des yeux. Son regard et son petit sourire carnassier m'évoquent une bête fauve. Chaque battement de mon coeur est comme un coup de boutoir dans ma cage thoracique.

Grant se place prudemment à trois bons mètres du gars, le flingue dirigé vers sa poitrine. Je suis dépassé par les évènements. Encore heureux que Grant soit là pour assurer.

« Tu vas gentiment mettre les mains sur la nuque, et te mettre à genoux. D'accord mon gars ? T'as pas envie de mourir, et nous non plus, alors fais pas de bêtise que tu pourrais regretter... »

Il commence à faire le tour une fois que l'enfoiré se soit mis à genoux. Ce connard continue à me regarder droit dans les yeux en souriant. Je sens toute ma haine se cristalliser contre lui. Le sang se met à bourdonner dans mes oreilles. Ce bâtard allait découper un cadavre et il me sourit !

Grant vient se placer derrière, remet son flingue dans son holster et cherche ses menottes sans le perdre du regard. Sans y croire, je vois le type se retourner, choper Grant et l'envoyer sur moi d'un seul geste. J'appuie sur la détente. Je vois distinctement la poitrine de Grant exploser au vol. Je réceptionne son cadavre tant bien que mal, puis le laisse tomber quand je vois l'armoire à glace bondir sur moi. Il me tombe dessus quand je réussis enfin à dégager mon arme. Explosion de douleur au niveau de ma mâchoire (pas vu venir son coude). Je sens mes cervicales vibrer pour retenir ma tête. D'un revers de ses battoirs, il m'envoie bouler contre le mur et se jette à la file pour m'écraser.

J'ai le souffle coupé par l'impact. Je sens mes côtes craquer sous la pression et ne peux m'empêcher de gémir. Il s'écarte. Je commence à m'affaisser quand je sens une main gigantesque m'entourer le crâne. Mes pieds ne touchent plus le sol. Je sens mes vertèbres claquer une à une avant qu'il m'encastre dans le mur. La pression devient plus forte, comme un étau. Ma vision se brouille. Mes poings se crispent.

Blam !

Le bâtard s'interrompt dans son geste. Je retombe. Il a un regard comme étonné juste avant de tomber à terre d'un bloc, comme une masse. Sa tête de bouledogue rebondit sur le sol avec un craquement sinistre tandis que sa cuisse transpercée commence à vomir tout le sang de ce porc. Les sons prennent une consistance spongieuse, ma poitrine me lance de plus en plus. Comme si un trente huit tonnes m'avait confondu avec une aire de repos de la highway. Je ferme les yeux tellement la douleur est forte. Des papillons blancs dansent sur l'intérieur de mes paupières.

Je glisse lentement le long du mur. J'entends vaguement mon arme tomber par terre. Le temps semble se figer l'espace d'une fraction d'éternité. Personne ne viendra. Nous n'avons prévenu personne et inutile d'espérer une patrouille : elles ne se risquent plus par ici depuis bien longtemps. Je vais mourir.

(scape)GO@T

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