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Obumbratrice : Histoire à l'eau de rose noire

« L'amour mène à la joie, de la joie résulte la tristesse, la tristesse mène à la peur, la peur mène à l'errance, l'errance mène à la répugnance et de la répugnance en sort la haine... »


Voilà trois années que je suis terré ici, au sous-sol de cette cabane, au beau milieu de la forêt, là où nous passions nos nuits, tranquilles, sereins et même parfois jovials. C'est dans cet endroit lugubre que tu as écrit ta lettre, cette lettre nommée "Adieu". C'est entre ces quatre murs que tu t'es ouverte les veines pour quitter ce monde que tu trouvais si injuste. Mais par la même occasion tu m'as quitté moi, celui qui te comprenait, le seul tu disais.

Pourtant, après voir lu "Adieu", je me rendis compte que je ne partageais pas les mêmes idées que toi. C'est en voyant ton cadavre et le sol se nourrissant de ton sang chaud, le même que je pouvais sentir couler dans tes veines, lorsque je t'embrassais le cou, que je m'aperçus qu'au fond je ne te connaissais... Mais je t'aimais malgré tout, avec la même passion qui enflammait mon coeur. Dans cette missive, tu disais que tu ne m'oublierais jamais, même pas dans la mort. Comme un fou je t'ai crue et comme un fou j'ai osé jurer devant le monde que je désirais te revoir par-dessus tout. Pendant des mois, je restai dans une profonde mélancolie.

Par une sombre nuit d'automne, une personne vint me rendre visite. Et je sus rapidement de qui il s'agissait réellement... du Diable en personne! Devant mes yeux horrifiés, il me proposa un marché ; en échange de ma vie, il me permettrait de te revoir une dernière fois, là-haut, au paradis, ne serait-ce que pour te revoir une dernière fois, ne serait-ce que pour te dire adieu. Je ne sus pas la nature exacte de son choix à me proposer ce compromis, mais je ne méditai pas là-dessus, j'étais beaucoup trop impatient de te revoir. Je ne sais non plus par quelle magie il m'amena au paradis mais l'important était que j'y sois.

En arrivant sur les lieux, je fus subjugué par la beauté de ces verdures, de ces plaines et de ces vallées. Mais bientôt, le vent, tel ton souffle caressant mes joues, me rappela pourquoi j'étais venu. Je marchai un peu avant de me cacher derrière un buisson. Je regardai attentivement les alentours et là, je t'aperçus, plus belle que jamais, si innocente, si belle et pourtant tu me semblais si inaccessible. Je ne sais pourquoi d'ailleurs. Tu avais l'air si bien et je fus tellement heureux pour toi, tu ne peux l'imaginer. Mais c'est quand je m'apprêtai à venir à ta rencontre que survint cet homme, innocent, beau. Je ne compris pas tout de suite et je refis quelques pas en ta direction. C'est alors que cet homme te prit dans ses bras et te vola un baiser...

Une douleur insoutenable me frappa le coeur, des larmes s'échappèrent de mes yeux, de toute évidence tu m'avais trahi, moi et ta promesse ! Tu étais dans cette passion folle qui fait tout oublier. Tu le regardais, il te regardait, tu riais, il riait : vous étiez en parfaite harmonie. Tu avais trouvé là le bonheur que je n'avais pas pu te donner. « Oh Dieu, que t'ai-je fait ? » me suis-je dit à ce moment. Revenant sur mes pas, je m'enfuis précipitamment, en pleurs. Je dévalai les collines à toute vitesse, je voulais aller loin... le plus loin possible. Je courus à toute vitesse avant de m'écrouler au sol. Là, je fondis en larmes. Cette vision, lui et toi, ce bonheur, ce bonheur qui était malheur à mes yeux. J'étais si triste, si tu savais...
Accablé de chagrin le sommeil m'envahit, oui, bientôt je m'endormis.

Quand je me réveillai, je fus dans cette cabane, comme si tout n'avait été que rêve, ou plutôt cauchemar. Mais à ce moment précis, c'était ma vie qui allait se transformer en cauchemar. Effectivement, à la minute qui suivit, une chose horrible s'empara de mon corps, ma peau devint plus blanche, mon visage se déforma pour devenir celui d'un monstre, mes dents devinrent crocs et mes mains devinrent serres. Une soif de sang inassouvissable me gagna. Même encore maintenant j'ai soif. Oui, j'ai soif de sang, comme pour compenser le tien, comme pour enfouir ma tristesse. Je comprends enfin pourquoi le Diable pactisa avec moi, car maintenant je suis l'un de ses serviteurs, je vis dans les ténèbres de cette sombre forêt comme toi tu vis là-haut dans cette verdure pure. Je plonge dans la mélancolie et toi tu nages dans le bonheur. Parce que je suis devenu un monstre, je peux assouvir ma vengeance...

Chaque nuit, je pars à la chasse dans cette forêt, à la recherche de cabanes isolées, de victimes, de chair, celle des jeunes femmes... Oui, je ne suis plus qu'une ombre, car je suis un démon... Tcherbarnogh le démon...

« Souvent, pendant les longues nuits d'hiver, des caravanes disparaissent mystérieusement dans la forêt et lorsqu'on les retrouve, elles ne contiennent alors plus que des cadavres... Certains disent que ce sont des loups, d'autres des loups-garous ou encore d'autres disent que c'est un démon à la recherche de sa fiancée perdue... un démon nommé Tcherbarnogh... »

L'Ecorché

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